Collège des médecins vs Annie Juneau : quand la naturopathie franchit la ligne de la pratique illégale
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Depuis le jugement de janvier 2022 contre la naturopathe Annie Juneau et le groupe Vitacru, une question divise l’opinion publique : pourquoi une naturopathe peut-elle être condamnée pour avoir recommandé des suppléments naturels, alors que des boutiques comme Shop Santé ou Popeye continuent de vendre ces mêmes produits librement ?
La réponse se trouve dans la frontière légale entre la vente de suppléments et la prescription de traitements pour des problèmes de santé, une limite que plusieurs ne saisissent pas bien.
Collège des médecins vs Annie Juneau : Qu’est-ce qu’une naturopathe ?
La naturopathie est une approche alternative de la santé, et non une « médecine alternative ». Elle n’est pas encadrée au Québec comme une profession médicale, au même titre que l’ostéopathie, la kinésithérapie, l’orthothérapie ou l’homéopathie. Le naturopathe se présente souvent comme un « éducateur en santé naturelle », mais il n’a pas le droit de :
diagnostiquer une maladie,
prescrire un traitement,
recommander un produit comme solution thérapeutique à une pathologie précise.
Lorsque ces limites sont franchies, il y a un risque de pratique illégale de la médecine, encadrée par le Collège des médecins du Québec.
« Médecine alternative » ou « approche alternative » : pourquoi les mots changent tout
Une « médecine alternative » laisserait entendre qu’il s’agit bel et bien de médecine, simplement différente. Or, si c’était réellement de la médecine, on ne l’appellerait pas « alternative », mais simplement médecine. Ce sont plutôt des approches de santé alternatives, car elles découlent souvent de croyances ou de pseudosciences encore enseignées dans certaines écoles privées qui offrent une formation discutable. Ces approches se présentent comme holistiques ou naturelles, en se basant sur des allusions au corps humain ou à la nature.
Si c’était véritablement de la médecine, elles permettraient d’établir un diagnostic et de proposer des traitements. Et c’est là que réside toute la nuance. En continuant de qualifier la naturopathie de « médecine alternative », on laisse croire au grand public que ces pratiques ont les mêmes capacités que la médecine reconnue, alors que ce n’est pas le cas.
Boutique de suppléments : Shop Santé, Popeye, etc.
Une boutique comme Shop Santé ou Popeye Suppléments vend des produits en libre accès : protéines, vitamines, brûleurs de graisse maladroit, pré-workouts, etc.
Le vendeur n’a pas le droit de poser de diagnostic,
Il propose un produit, mais ne peut pas affirmer qu’il guérit ou traite une maladie,
L’achat est laissé au jugement du consommateur, un peu comme dans une épicerie ou une pharmacie pour produits en vente libre.
En résumé, la boutique vend, mais n’impose pas un plan thérapeutique.
« En résumé, la boutique vend, mais n’impose pas un plan thérapeutique » - DR. BOISVERT, CHIROPRATICIEN
En savoir plus | La grande différence entre une boutique de produits naturels et une naturopathe, c’est l’environnement de consultation.
La grande différence entre une boutique de produits naturels et une naturopathe, c’est l’environnement de consultation.
Dans une boutique, le commis se limite à scanner vos articles et encaisser votre paiement. Il ne fait que vendre un produit, point.
À l’inverse, lorsqu’une personne vous reçoit en consultation payante et qu’elle vous recommande ensuite un produit pour régler vos problèmes de santé, cela constitue de la pratique illégale de la médecine.
Ce sont donc deux contextes totalement différents, avec des implications légales bien distinctes.
Le cas Annie Juneau et Vitacru
En janvier 2022, le tribunal a reconnu Annie Juneau, naturopathe, coupable d’exercice illégal de la médecine.
Elle aurait prescrit et recommandé des suppléments comme traitement pour des conditions médicales spécifiques.
Le jugement a rappelé que seul un médecin ou un professionnel de la santé autorisé peut poser des recommandations de nature thérapeutique.
Le Collège des médecins du Québec a ouvertement affirmé que ces pratiques sont dangereuses et qu’elles dépassent le rôle d’un naturopathe.
Ce verdict crée un précédent clair : la naturopathie ne peut pas se substituer à la médecine.
Le rôle des influenceurs et la montée du risque
Aujourd’hui, la frontière devient encore plus floue avec les influenceurs santé.
Des personnalités avec des milliers, voire des millions d’abonnés, recommandent des suppléments en partenariat avec des marques.
Lorsque ces recommandations s’adressent à des problèmes de santé (« prenez ça pour vos articulations », « ce produit aide pour votre dépression »), elles risquent de tomber dans le même piège légal.
Le Collège des médecins envisage d’élargir sa surveillance afin de limiter ces dérives.
Enjeux pour la population
Le public peut croire qu’une recommandation venant d’un « expert » ou d’un influenceur a la même valeur qu’un conseil médical.
Cela augmente les risques de retard de diagnostic, d’utilisation inappropriée de produits et d’aggravation de conditions médicales.
La confusion alimente un marché florissant, mais elle met en danger la santé publique.
Conclusion
La différence entre Shop Santé et une naturopathe n’est pas dans les produits, mais dans la façon dont ils sont présentés et prescrits.
Acheter un supplément dans une boutique relève de la consommation.
Se faire prescrire un supplément pour une condition médicale relève de la médecine, et seuls les professionnels autorisés peuvent le faire.
Le jugement Annie Juneau rappelle que la ligne est mince mais essentielle. Avec la montée des influenceurs santé, il est probable que la législation continue d’évoluer pour protéger le public contre la désinformation et la pratique illégale.